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Travail clinique et jeu


Résumé du chapitre 11 du livre de René Roussillon ("Manuel de la pratique clinique en psychologie et psychopathologie" Elsevier masson, 2016)
Réalisé par Maryne Mutis, étudiante  en psychologie, dans le cadre du séminaire de recherche de Thomas Rabeyron (Master 2 de psychologie clinique et psychopathologique de Nancy)



Le travail clinique et le jeu

La symbolisation est un passage obligé pour l’intégration psychique d’une expérience, objectif ultime de la rencontre et de la pratique clinique. L’organisation d’un dispositif symbolisant, bricolé sur mesure pour les besoins psychiques du sujet, représente une condition de possibilité de la pratique, mais l’élément central reste le mode de présence du clinicien, le mode de réponse à l’associativité du sujet, la disposition d’esprit.

Cela suppose un modèle de l’intervention, une logique d’ensemble du sens de l’intervention du psychologue, dont le vecteur serait finalement le jeu pour Roussillon. Le jeu est en effet la première activité de symbolisation de l’enfant, et c’est par le jeu avec un Médium Malléable que l’enfant se donne une représentation symbolique de son expérience.


Le modèle du travail psychique

Le concept de travail psychique s’est imposé comme un paradigme majeur et central de la pensée psychanalytique, avec une multiplication des références et l’apparition d’un travail spécifique à chaque processus psychique (travail de symbolisation) et chaque époque de la vie (travail de l’adolescence).

La référence centrale au travail dans la description des processus psychiques suppose un modèle de développement de la vie psychique fondée sur un principe de plaisir, tendant à régner en maitre absolu. Elle suppose également un dépassement de ce principe de plaisir, une transformation indispensable de ce dernier en principe de réalité. Ainsi, un primat du principe de plaisir serait la voie courte, fondée sur la satisfaction immédiate, tandis que le primat du principe de réalité serait la voie longue, impliquant un différé et un travail.

La nécessite du travail s’impose donc dès que le fonctionnement psychique doit combiner les exigences du plaisir à celle de la réalité, de la morale, voire des objets. C’est le passage de l’identité de perception, ne s’accommodant que d’une logique du semblable, à une identité de pensée, tolérant une logique du semblable et un certain niveau de différence, qui permet de trouver comment conjoindre ces différentes exigences qui pèsent sur une économie du plaisir sous le primat du principe de réalité.
Cependant, ce modèle nécessite quelques évolutions et complexifications, car le plaisir ne serait pas forcément présent dans toutes les expériences subjectives ou les modes de fonctionnements psychiques, et son primat n’est ainsi pas nécessairement assuré.


Le « travail » du jeu

Il apparait alors le besoin de cerner un processus qui rend possible le passage d’expériences au-delà du principe de plaisir, c’est à dire animées par une compulsion de répétition indépendante de la quantité de plaisir impliqué, à leur inscription sous le primat du principe de plaisir. Roussillon suppose ici que c’est un travail du jeu, qui va permettre de passer d’une contrainte de répétition aveugle, à un fonctionnement vectorisé par le plaisir et susceptible d’ouvrir la liberté d’un choix.

Tout comme la symbolisation, initialement pensée comme issue d’un travail psychique solitaire fondée sur l’absence de l’objet et son élaboration, le travail psychique ne serait finalement pas vectorisé par le dépassement d’un plaisir premier et immédiat, mais plutôt par la création et la conquête d’un plaisir suffisant au sein d’expériences qui n’en comportaient pas.


Retrouver le plaisir par le jeu

La clinique montre que dans le cas des souffrances narcissiques, le primat du principe de plaisir n’est pas établit, ou pas suffisamment, et le sujet se trouve dans une logique de survie plus que de vie, une logique du désespoir. Selon Winnicott, il faut alors apprendre à jouer à ces personnes qui ne le peuvent pas, leur apprendre comment le jeu soutient la vie psychique et permet de transformer les situations les plus douloureuses en situations bonnes à symboliser. Le jeu est en effet le prototype de l’activité représentative.

Roussillon précise ici qu’il s’agirait plutôt de retrouver les traces du jeu potentiel, qui n’a pas pu historiquement avoir lieu et a dégénéré au fil des échecs de la vie. Il faut donc essayer de saisir quels jeux n’ont pas pu advenir chez le sujet, et viennent aujourd’hui se donner comme symptômes car ils ont perdu leur activité de jeu.

Il est important de retrouver ces traces de jeu potentiel et de les entendre comme une tentative de symbolisation, afin de créer les conditions permettant que ce jeu potentiel puisse être régénéré et qu’il puisse redéployer ses virtualités symbolisantes.

Cette voie du redéploiement par le jeu est une alternative à la solution masochique, c’est-à-dire le fait du trouver du plaisir dans la répétition de l’expérience traumatique déplaisante. Ce phénomène n’ouvre pas à une reprise symbolisante de l’expérience, mais c’est une voie courte qui est moins complexe à mettre en place et permet tout de même de lier à minima l’expérience traumatique.

Le travail du jeu permet quant à lui une conquête du plaisir par la voie longue, fondée sur la symbolisation dans et par le jeu.


Le travail clinique du « jouer »

Afin d’apprendre à jouer aux patients qui n’ont pu réaliser cette intégration, il est nécessaire que le clinicien repère et entende ce qui a fait difficulté, mais également qu’il crée les conditions de relance de ce qui est resté lettre morte. Cependant, l’introduction du jeu comme paradigme possible pour la pratique clinique implique tout d’abord de préciser les différentes formes du jeu, selon qu’il est solitaire ou impliqué dans la rencontre :
  • Le jeu intrasubjectif, c’est-à-dire le jeu avec les représentations psychiques, face à soi-même, comme le rêve.
  • Le jeu autosubjectif, c’est-à-dire un jeu seul mais en présence d’un autre qui se contente d’une adresse muette.
  • Le jeu intersubjectif, c’est-à-dire un jeu en présence de l’autre et qui nécessite l’interaction d’un autre objet pour soutenir la découverte.

Cela pose la question des conditions favorisant la relance des potentialités de jeu. Roussillon remarque que le jeu ne se relance que s’il est « entre jeu », que si le jeu potentiel est reconnu, accepté et partagé par le clinicien qui soutient son déploiement et s’implique dans l’entreprise. Il y a ainsi des conditions préalables au travail pratique du jeu, notamment en ce qui concerne la place du répondant du clinicien, ce qui implique d’analyser la question des effets de cette réponse sur la pratique clinique, effet de suggestion voir de séduction.

En plus du poids actuel du clinicien, il faut également prendre en compte le poids des objets avec lesquels le sujet s’est construit. Ces éléments viennent en effet se rejouer dans la cure et infléchir le cours des événements psychiques du sujet. L’ombre des objets historiques et celle actuelle des particularités du clinicien tombent sur la rencontre clinique.

Il ne s’agit donc plus seulement pour le clinicien de rendre possible ce qui n’a pas pu avoir historiquement lieu, ni d’entendre les traces de jeu potentiel qui n’a pas pu déployer ses virtualités symbolisantes, mais aussi de s’aventurer dans un travail de reconstruction de ce que l’environnement ne pouvait pas fournir à l’époque. Dans son mouvement de répétition actuelle, le transfert offre donc une nouvelle chance pour symboliser les impasses passées.


La question du modèle du rêve

La symbolisation primaire nécessite une métapsychologie de la dialectique présence/absence, contrairement à la symbolisation secondaire qui se contente d’une métapsychologie de l’absence. Ainsi, plutôt que d’utiliser le rêve, activité privée et narcissique, comme modèle du fonctionnement psychique, Roussillon se propose d’utiliser celui du jeu permettant de penser la question du mode de présence du praticien, et l’impact de cette présence sur la psyché du sujet.

Cependant, le paradigme du jeu semble pouvoir inclure celui du rêve, puisque ce dernier serait finalement une forme de jeu intrasubjectif, un jeu se déroulant dans l’intériorité de la psychée. Ce type de jeu nécessite toutefois que les deux autres formes de jeu, autosubjectif et intersubjectif, aient pu se déployer suffisamment.

Ainsi, le jeu se découvre initialement dans la rencontre entre le sujet et un autre-sujet présent avec sa subjectivité propre, et dans la réponse de cet autre-sujet, comme dans le jeu de la spatule. Le jeu solitaire pourra ensuite se développer, avec l’autre comme simple spectateur, ce qui implique la capacité à être seul en présence de l’autre. Ce type de jeu représente un moment où le sujet se donne, sous une forme symbolique, une partie de son expérience et la réfléchit, sous un regard extérieur comme dans le jeu de la bobine.


Symbolisation et appropriation subjective

Il convient de souligner que l’appropriation subjective n’est pas forcément fondée sur la symbolisation de l’expérience subjective, il en existe des formes qui restent prises dans des formes de liaisons non symbolisantes et nécessitent un coût exorbitant pour que le sujet s’approprie un pan de son histoire.

La pratique clinique cherche à développer un travail d’appropriation subjective fondée sur la symbolisation, puisque cette dernière apparait finalement comme la voie royale par laquelle la réflexivité peut se développer et étayer l’appropriation subjective.


Le jeu « potentiel »

Roussillon introduit ici la différence entre le jeu manifeste et le jeu latent :
  • Le jeu manifeste, qui est un comportement, une activité ne possédant pas particulièrement de valeur symbolisante, de tels jeux mettent surtout en scène en quoi le jeu se refuse au jeu psychique, à son engagement, en quoi il témoigne d’un besoin de maîtrise.
  • Le jeu latent, qui représente l’enjeu du jeu, ce qui se joue ou tente de se jouer dans et par le jeu manifeste. Ce jeu comporte différents niveaux reliés entre eux, il symbolise un autre jeu car le jeu est toujours un double jeu.

Cette première distinction amène à enrichir le modèle avec une autre notion, celle du jeu potentiel qui peut se cacher dans des situations cliniques apparemment dépourvues de jeu manifeste. Le matériel clinique suppose ainsi une forme de prescriptif d’écoute, il nécessite d’être écouté dans ce qu’il recèle de jeu potentiel, qu’il soit entendu comme une proposition de jeu inconsciente. L’expérience humaine serait ainsi à interpréter, c’est-à-dire que son sens n’est jamais immédiatement donné et qu’il est susceptible d’être repris et interprété.


Excursus neurobiologique

Roussillon cherche ici à inscrire l’activité de représentation et de symbolisation dans le fonctionnement biologique de base de l’humain, notamment à travers les travaux de trois scientifiques :
  • LES TRAVAUX DE VARELA. Il développe la notion d’auto-poëse, c’est à dire la capacité du vivant à se produire et se construire lui-même en interaction avec son environnement, et notamment en assimilant avec ses règles, des éléments extérieurs.
  • LES TRAVAUX D’EDELMAN. Il a montré que les cartes de neurones du cerveau sont sélectionnées au fil de l’évolution, ce qui pourrait s’appliquer à la temporalité d’une vie, expliquant alors les incapacités de certains à avoir une réflexivité. Notre mémoire serait ainsi re-signifiée et reprogrammée, en fonction de nos expériences.
  • LES TRAVAUX DE RIZZOLATI. Il a découvert les neurones miroirs qui étayent le rôle central de l’intersubjectif puisque ces neurones s’activent de la même manière selon qu’on effectue une action, qu’on la perçoive ou qu’on la représente. Une autre partie du cerveau permet cependant de déterminer si l’opération est une représentation, une perception ou une action.
En conclusion, l’être humain transforme nécessairement tout ce qu’il perçoit en représentations perceptives pour ensuite l’interpréter, tout en se représentant qu’il représente, qu’il perçoit ou bien qu’il agit. Ce fonctionnement a du jeu, il suppose un mélange de précision d’enregistrement et d’un travail de reprise et de catégorisation, qui suppose elle-même des moments spécifiques. Or, l’expérience du jeu est l’une de ces expériences spécifiques, dont l’enjeu est d’explorer la différence entre la chose et sa représentation, son sens. Les premières formes de jeu symbolisant se retrouvent sous la forme de l’activité libre spontanée, qui serait également la première forme d’association libre.


Appropriation subjective, le « devenir jeu »

L’un des fondements de la pratique clinique est que la matière psychique n’est pas immédiatement saisissable comme telle, qu’elle va devoir être matérialisée dans un objet pour atténuer et médiatiser son caractère hypercomplexe.

Freud décrivait ainsi la dialectique de « prise » et « lâcher prise » mise en place lors de la confrontation d’avec le caractère énigmatique de la matière première. Dans un premier temps, la psychée va s’assurer une première forme de maintenance pour ne pas être débordée par les formes premières de la réalité psychique. Dans un second temps, la psychée va devoir se présenter et se représenter l’expérience subjective, opération qui nécessite un lâcher prise de la maintenance première. Or, accepter de lâcher prise pour se redonner ensuite l’expérience, ne peut s’effectuer que dans des conditions subjectives particulières :
  • La reprise de l’expérience doit s’effectuer fragment par fragment, c’est-à-dire qu’il y a une réduction nécessaire de l’excitation, une retenue énergétique.
  • L’activité de reprise doit pouvoir s’effectuer dans un éprouvé subjectif de liberté, qui est un préalable de l’activité de symbolisation et de l’appropriation subjective.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, une levée des contrôles économiques et topiques va avoir lieu, permettant alors à la trace de l’expérience subjective d’être hallucinée dans l’objet, avec une coïncidence entre perception et hallucination. Dans le processus de jeu, la trace est ainsi hallucinée dans un objet perceptivement présent, ce que Roussillon appelle un « objeu », et qui s’apparente au Médium Malléable.

Cette hallucination nécessite cependant que l’objet où l’hallucination va se loger, soit perceptivement analogue à l’objet halluciné, qu’il puisse symboliser ce dernier et l’expérience subjective de la rencontre avec celui-ci. Par ce processus, le jeu va ainsi permettre d’explorer la différence et les similitudes entre la chose et sa représentation, d’explorer différentes propriétés de l’objet et de les expérimenter pour progressivement les symboliser.


Le jeu comme objet

Dans cette idée, le jeu permettrait de ressaisir l’expérience subjective que le sujet met en jeu, mais aussi d’expérimenter l’expérience du fait de symboliser cette expérience, du fait de jouer. Le jeu devient alors une expérience psychique dans laquelle le sujet expérimente la symbolisation.

Pour Roussillon, l’expérience de jouer serait ainsi une expérience essentielle de la réflexivité, c’est-à-dire l’une des expériences par lesquelles la psychée et l’activité psychiques se prennent elles-mêmes comme objet. Le jeu est donc à la fois une expérience pour symboliser et une expérience à symboliser où le sujet va pouvoir se découvrir lui-même. La réussite du jeu s’accompagne ainsi souvent d’un affect spécifique, celui de la découverte de soi, l’affect de jubilation.

Enfin, lorsque le jeu est intersubjectif, il permet en plus l’exploration de l’autre-sujet et de sa subjectivité, ses désirs, ses intentions, et même son inconscient. Le jeu serait ainsi, en permettant une exploration de soi et de l’activité de symbolisation et une exploration de l’autre comme sujet différent de soi, une voie royale de l’approche clinique pensant le sujet dans la rencontre clinique.



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