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La bouteille bleue

La bouteille bleue Zoom sur La bouteille bleue (Suite de l'article)

Les associations collectives

« Le titre c'est tristesse ? Pourtant y'a juste un tout petit truc noir.
Alors ça, c'est une bouteille, y'a pas de doute. Qui a fait ça ? On ne devrait pas dessiner çà...
Où ça, la bouteille ? Là, couchée, on dirait qu'elle est dans le fond de l'eau, sur du sable. Elle est vide ou elle est pleine ? (
rires…)
Dans l'autre dessin, il y a le tire-bouchon pour l'ouvrir, le truc en spirale là. Noyée de tristesse, comme nous .

Il y a un message dans la bouteille. Pour nous ? Pour qui ? Et du liquide brun qui en sort. (
Rires gênés pour certains, regards qui glissent sur les côtés)
Là au-dessus, le truc rouge, c'est comme un verre. Ah oui. Le truc carré tout rempli. (
Plusieurs personnes prononcent ce mot en même temps, avec une sorte de soulagement joyeux de reconnaître quelque chose. Un temps de silence général suit ce moment).

Et là, le truc noir ? C'est quoi ce truc ? Qui a fait cela ? C'est un balai de sorcière ou quoi ? On dirait un corbeau. Où une femme qui joue de la flûte. C'est un gros truc noir, comme nos problèmes ».


Les mots s'épuisent et le silence se fait. J'ai le sentiment que bien des choses ont été déposées là. Nous sommes encore dans le fond de l’océan. Cette fois, la perle a bien changé et le contenant est moins hermétique que l’huître. M. Monjauze évoque une « absence de contenant maternel, laissant un corps sans appartenance, en souffrance comme un paquet sans destinataire » . Un peu comme le message dans la bouteille qui avait amené cette question posée par une personne « Pour qui ? Pour nous ? ». Face à cette remarque, j'ai suggéré que ce message avait peut-être du sens : un message de détresse ? Une demande d'aide ? Une explication de ce qui arrive ? Un souvenir ? Mes mots se posent mais ne trouvent pas d'écho.

Des regards se mettent à flotter comme pour indiquer que l'inscription des mots ne se fait pas vraiment, qu'une recherche mentale tente de s'amorcer, avant de revenir s'accrocher dans un élément inscrit là, dans un trait de crayon brun: « Il y a du liquide qui en sort... ». Et les mots, eux aussi, coulent et ne s'inscrivent pas dans un univers flottant, liquide, où la liquéfaction règne en maître. Cela m'évoque cette propension de certains d'entre eux à se faire tatouer des prénoms, comme pour mieux les avoir dans la peau, non pas au figuré, mais dans la réalité du corps. Cela me renvoie aussi à ce rituel que j’ai mis en place progressivement, consistant à nommer le contenu de la salle (matières, techniques, objets), en décrivant un cercle contenant tout autour des participants. La face interne des murs a reçu des créations et me permet de nommer les choses, créant ainsi une enveloppe de mots et des points de repères.



L'enveloppe de peau

« Les petits poissons dans l'eau, nagent, nagent, nagent... ». Les paroles de la chanson enfantine me viennent en tête. Les corps de ces poissons ne sont pas solides et consistants, mais présentent juste un trait qui leur donne un semblant d'existence. Forme sans corps incarné. Juste une enveloppe creuse. M. Monjauze décrit, dans son chapitre sur l'image du corps, une « enveloppe d'écorchés vifs », « une enveloppe psychique, fragile, poreuse » . Le concept de moi peau de D. Anzieu n'est pas très loin lui non plus. Je retrouve souvent ces vécus de fragilité, ces moi-peau abîmés et écorchés, lors du travail que je propose, par ailleurs, dans des séances de thérapie corporelle.

Des auto-massages réparateurs d'une enveloppe corporelle, sur laquelle s'enracine l'enveloppe psychique, se sont progressivement affirmés comme les plus pertinents dans le travail psycho-corporel que je propose en groupe de 6 à 8 personnes, pour une durée d’1h30. Ce type de travail (que j’ai surtout développé dans le secteur de psychiatrie) trouve une grande résonance avec ces patients qui ont besoin du concret d'une prise en main pour se donner corps. Une élaboration progressive m'a donné une lecture particulière du travail corporel d’auto-massages, comme étayage des fonctions de contenance et de maintenance du moi-peau et comme « désensibilisation » du pare-excitation, en particulier pour les personnes psychotiques et états-limites. A ma grande surprise, lorsque j'ai commencé à proposer des séances de travail corporel à des personnes addictées, j'ai eu le sentiment de retrouver des préoccupations et des ressentis proches des personnes psychotiques.

M. Monjauze propose une lecture de l'addiction comme « une psychose associative ». Elle rappelle que la « psychopathologie alcoolique » est « comme préverbale ». Elle explique que le « dissocié dans son angoisse de morcellement n'a pas de miroir du Soi qui puisse, faute d'une image du Moi organisée, lui donner au moins une représentation rudimentaire », alors que « l'alcoolique...trouve une correspondance à sa faille psychique dans l'alcool et, grâce à lui, survit psychiquement mieux et plus longtemps » que les personnes dissociées. Elle postule donc que le soi liquide, reflété par le liquide alcool, nécessite un flot incessant d'alcool pour garantir l'existence de ce soi. Le liquide viendrait donc « assurer la continuité psychique d'un contenu sans contenant » .

Le travail proposé d'une contenance corporelle éprouvée comme plus efficace, peut donc permettre l’amorce d’un sentiment d'existence plus solide. Au bout de plusieurs séances de relaxation, (séances proposées en plus des séances d’ergothérapie), j'ai pu constater que les expériences classiques d'éprouvé telles que le lâcher prise, le vécu conscient de l'expiration, conduisaient très rapidement certains patients, parfois même tout le groupe, à dormir. Le travail en position assise est donc devenu un incontournable, afin d'éviter cette recherche de la liquéfaction régressive. Le corps est densifié, massé, pétri, éveillé. Une solidité corporelle est éprouvée lors des auto-massages assis, auxquels se mêlent des exercices de relaxation active de type contraction/détente.

Ce travail sur le corps propre de la personne va lui permettre de s'expérimenter comme un tout, solide et contenant, capable d'éprouver des sensations, de préférences agréables. Ces sensations pourront ensuite s'inscrire en représentations psychiques, en images, en pensées, en mots, grâce à une visualisation qui reste au plus proche des sensations. C’est ce jeu entre face externe de la peau, travaillée dans sa dimension sensorielle, et face interne, travaillée dans sa dimension d’images potentielles reliées aux sensations, que le travail de l’inscription des traces psychiques va pouvoir s’exercer.

Cette alternance entre séances de travail corporel et d’ergothérapie plus ancrée dans des médiations graphiques ou manuelles, me permet de comprendre mieux tous ces éléments corporels mal reliés, ces corps flottants et peu incarnés, ces peaux écorchées ou ces tentatives de densification corporelles ou graphiques qui traversent les séances, aussi bien dans le corporel que dans l’atelier. Il n’est pas possible de développer plus avant les liens entre ces deux groupes, mais je retrouve dans les squiggles collectifs ces bouts de corps en errance et en flottement, qui tentent de se solidifier.


Le compact corps-main de M.Monjauze

« Là au-dessus, le truc rouge, c'est comme un verre. Ah oui. Le truc carré tout rempli. » Il me semble retrouver dans cette phrase, le concept de compact corps-main développé par M. Monjauze, en lien avec les théories de F. Tustin sur l'autisme. « Porter sans cesse le verre à la bouche figure une sorte de bouclier protecteur » . La neuropsychologie explique ce geste par un déficit de l'inhibition ne permettant plus à la personne d’avoir une distance réflexive et une possibilité de choix, dès qu'un verre se trouve à sa portée. M. Monjauze l’analyse autrement et parle d'enveloppe machinique, de répétition du geste à l'infini, expliquant que « le geste met en scène l'angoisse de disparition (le liquide s'engloutit) et sa défense, s'agripper à un objet dur et contenant » . Et voici retrouvé le verre rouge, qui lui a une vraie existence appuyée, pleine dans sa couleur et sa densité, et surtout rempli. Ce verre, vécu comme solide et bien reconnaissable, se pose dans une verticale qui tente de tenir debout. Le temps de satisfaction générale qui semble saisir le groupe, suivi d'un silence, inscrit cette forme comme importante et provoquant soulagement, mais qui provoque aussi un blanc dans la parole.

Cette « simple » représentation du verre, elle non plus, ne suffira pas à inscrire quelque chose de rassurant pour lutter contre la difficulté de représentation. Le groupe repart rapidement vers des associations incertaines, floues, des éléments signant l'angoisse : le balai de sorcière, petit élément noir qui s'effiloche, ou qui devient porteur du corbeau noir d'Odin ou qui se révèle capable de convoquer une figure ambiguë, féminine mais « qui joue de la flûte ». Ces mots tentent de saisir une image qui échappe à la représentation, qui ne se détermine pas. Et pourtant, elle mériterait d'être approfondie pour écouter et démêler ce que chacun y projette. En attendant, nous ne sommes pas trop de 10 pour affronter cet innommable gros truc noir. La projection d’éléments vécus comme négatifs est un incontournable de ces séances, éléments qui sont souvent comme rassemblés sur 2 ou 3 des productions, un peu comme si quelque chose pouvait focaliser les projections groupales.

La saleté, la pollution et les monstres ne sont jamais très loin comme en témoigneront d'autres dessins...






Les écrits de cet article sont la propriété intellectuelle Muriel Launois et n'engagent qu'elle.
Il est paru dans : Clinique et médiation (Regards croisés sur les médiations thérapeutiques)
Ouvrage de groupe, sous la direction de Florence Klein, préface de Pierre Delion, L'Harmattan, Paris, Août 2016




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