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TOTEM PAS TABOU

Un dispositif global en ergothérapie
Dans le cadre d'un dispositif global d'ergothérapie, mes collègues et moi-même, avions mis en place 3 ateliers (relaxation, écoute musicale, créativité) que nous proposions à des patients adultes hospitalisés en psychiatrie (service ouvert). Ces ateliers, tous réalisés en groupe, nécessitaient une prescription médicale pour pouvoir intégrer les groupes de thérapie médiatisée. 

Après un accueil de la personne et une explication des différents processus thérapeutiques possibles dans ces groupes, nous proposions le choix aux personnes, afin qu'elles puissent commencer à s'interroger sur leurs désirs personnels, sur leurs besoins en termes d'expression de soi ou de soins personnels. Ces ateliers avaient lieu 2 à 3 fois par semaine, nécessitaient un engagement de régularité et proposaient tous des temps de parole en fin de séance, qu'il s'agisse de l'expression des ressentis, d'une parole sur le sens potentiel d'une création ou toute autre chose que la personne souhaitait partager dans le groupe. 

Les groupes étaient donc des groupes lentement ouverts, avec une insistance sur la notion de confidentialité. Voilà donc le cadre des ateliers "sérieux", au sens de la présence d'un cadre thérapeutique nommé, tenu et qui garantit un certain travail psychique. Mais qu'en est-il du groupe jeu? 


Un groupe de Jeux thérapeutiques
Le groupe de jeux thérapeutiques venait donc s'inscrire de façon tout à fait singulière, comme un groupe ouvert, sans engagement sur plusieurs séances et sans inscription préalable. Même la prescription thérapeutique était posée de façon globale, pour tous les patients hospitalisés. Une sorte de groupe entre deux, la spécialité des ergothérapeutes qui se référent à Winnicott. (Il y en a de moins en moins, notre profession étant passée à une orientation basée sur les sciences des occupations). 

Je passais donc dans les chambres, rappelant que le groupe de jeux allait se dérouler et qu'il était proposé « juste » comme un temps possible de rencontres, de jeux avec d'autres patients, pour mieux se connaitre. J’en profitais pour rappeler que les autres groupes proposés par les ergothérapeutes, relevaient de la prescription médicale et d’un engagement de régularité. 

Il était bien précisé qu'aucun jeu de compétition n'était proposé et que tous les jeux visaient à une meilleure connaissance de soi, à la découverte de pouvoir parler de soi dans un groupe accueillant et dans un lieu sécure. Les patients pouvaient alors décider, le jour même s'ils souhaitaient ou non venir en « Jeux thérapeutiques ». 

J’avais, en effet, décidé d’accoler thérapeutiques à jeux, histoire de me consoler un peu, car j’avais parfois le sentiment d’être animatrice, tant que je n’avais pas compris l’impact d’un tel dispositif, demandé par l’institution, comme un espace de souffle possible pour les personnes en soins. Nous pouvions déjà voir si les personnes pouvaient s'engager dans un tel moment ludique proposé et si leur motivation intrinsèque était présente et possible, sans induction, sans prescription médicale officialisée. 


Des choix multiples
Durant ce temps de jeu (deux fois par semaine durant 1 heure) il était donc possible de choisir de venir ou pas, de décider d'accompagner son voisin.e de chambre qui connait la séance, de venir voir et découvrir. Et une fois qu'une personne était venue, elle revenait le plus souvent, et de façon régulière. Avec une envie personnelle, avec du plaisir, avec des possibilités de choix, du côté d'une auto-détermination, à moins qu’il ne s’agisse de désir, de motivation, ou encore autre chose, suivant le mot que la personne pouvait employer. 

Mes critères de choix des jeux, étaient de proposer des jeux coopératifs et/ou expressifs, favorisant l’expression de la parole personnelle, la connaissance de soi, les interactions sociales, mais aussi la création et la projection potentielle, dans des images créées, externalisées ou proposées par les cartes, grâce aux phénomènes d’identification, voire même la symbolisation secondaire (mise en mots à partir d’images). 

Un second choix était alors possible du côté des patients, entre trois jeux que j’expliquais au groupe, afin d’obtenir l’envie ou l’engagement de la majorité des personnes. Il s’agissait, en fait, de la pratique du faux choix. (Voir « petit guide de manipulation à l’usage des gens honnêtes », livre découvert dans ma formation Hypnose…) 

La plupart du temps il était question :
  • D’un jeu clairement introspectif, indiqué comme tel, qui me permettait de savoir si les personnes présentes avaient en majorité envie d’aller vers ce domaine de connaissance de soi (DIXIT en est un bel exemple, avec la carte du passé, du futur et la carte ressources entre les deux) 
  • D’un jeu graphique qui engageait de la créativité simple, comme par exemple le SQUIGGLE avec des craies grasses sans intention représentative, permettant de jouer avec les formes et de mettre des mots ensuite, même sur des gribouillages.
  • D’un jeu d’expression qui pouvait sembler plus ludique et moins introspectif, centré, par exemple, sur les émotions, les besoins, les ressources…comme permettant de donner une idée, une sorte de thème qui rassurait les personnes, TOTEM  en est un exemple. 
Dans tous ces cas, je savais ainsi ce que le groupe souhaitait en majorité découvrir et comme un choix était possible, l’engagement et la motivation étaient plus faciles, même dans un groupe hétéroclite, qui ne se connaissait pas toujours et changeait à chaque séance pour tout ou partie. 


TOTEM

Le choix des cartes animaux
Concernant Totem, qui était choisi plutôt fréquemment, l’idée était donc que le groupe propose des cartes animaux à une personne, qui choisissait alors parmi ces cartes celle qui lui parlait, lui semblait proche d’elle ou désirable. Ainsi, avec 7 personnes qui jouent, la personne qui commence à faire son totem reçoit 6 cartes. 

La personne joueuse active durant ce moment, prend le temps de choisir son animal et elle nous explique pourquoi. Le groupe est aussi invité à associer sur l’animal, au sens des caractéristiques que chacun.e pourrait attribuer à cet animal, afin que ces associations d’idées croisées, offrent d’autres perspectives que la sienne, à la personne. 

Un patient ayant choisi la chauve-souris a pu ainsi nous parler de ses activités nocturnes et de son inversion de rythme veille-sommeil. Une patiente en situation de surpoids a choisi…l’éléphant car c’est un animal qui en impose, nous parlant ainsi de son vécu personnel. Il est à noter que personne ne lui a fait de remarque sur son poids ce jour-là, le groupe faisant preuve de tact et d’empathie, face à cette projection pour le moins très directe ! Le choix de l’ours s’est souvent révélé ambivalent, oscillant entre gros nounours en peluche, hibernation et hypersomnie, ou défense de son petit. Certain.e.s auraient aimé des animaux fantastiques comme licornes ou dragon, pour sortir de la dimension trop désagréable pour eux, de leur réalité. 

Les personnes peuvent aussi parler de leurs animaux de compagnie, de l’animal auquel ils auraient pu s’identifier mais qui n’était pas dans les cartes proposées. Ainsi une personne nous a fait part de son désespoir de ne jamais « avoir les bonnes cartes en main » et au-delà du jeu de mots, il y avait une réelle souffrance qu’elle a pu confier au groupe, à demi-mot. L’avantage des cartes est qu’elles permettent une projection « orientée » sur l’image proposée. Souvent, les personnes qui se connaissent un peu, peuvent alors souligner que cela ressemble ou pas, à la personne, venant soutenir un sentiment d’existence, d’être, souvent fragilisé. 

La petite phrase qui accompagne la carte , telle que « tu fais se sentir confortable les gens » ou « tu sais être empathique », met toujours en lumière un aspect positif de l’animal. Ce n’est pas pour rien que sur la boite de jeu, il y a une phrase « totem, le jeu qui fait du bien »…Ceci est un avantage si nous sommes dans la mouvance de la psychologie positive, consistant à se centrer sur nos bons aspects, pour les renforcer, les épaissir, les densifier. 

Mais ces petites phrases peuvent se révéler aussi devenir un inconvénient pour les personnes qui ne peuvent pas intégrer les aspects qui les dérangent et dont ils voudraient bien se débarrasser, en les attribuant par exemple à autrui et/ou en demeurant dans le clivage entre bonnes et mauvaises parties de soi-même. En effet, nous ne parlons pas très directement, avec Totem, de ces aspects dérangeants…

Et pourtant, en addictologie, un patient ayant choisi le blaireau, a beaucoup ri en assumant son côté blaireau qu’il reconnaissait bien volontiers. Un autre patient s’étonnait sur tous les animaux étaient décidément trop sympas et tous positifs, car il aurait voulu être un requin ou une vipère, pour pouvoir faire peur aux autres personnes. Sur la carte du chat qui propose « tu maintiens propre ton environnement », une personne a indiqué qu’elle aimait bien l’idée du chat, mais pas la phrase qui lui semblait plutôt restrictive quand aux qualités de son animal favori. Elle a quand même gardé la carte et finira par nous dire qu’elle passait l’aspirateur "tous les jours durant une grosse heure…"


Le choix des cartes qualités
Une fois la carte animale choisie, nous passons ensuite à la seconde carte, qui est donnée de la même façon que la première : chaque personne du groupe donne une carte dans lesquelles la personne refait un second choix. Il s’agit cette fois, de la carte qualité…qui ne propose, que des qualités ! Nous pouvons ainsi être un koala confortable, une tortue habile, un cheval empathique, un chat dynamique ou un chien zen. 

Les personnes soulignent qu’elles éprouvent un sentiment très étonnant, de se retrouver avec plein de qualités devant elles, qui pourraient être potentiellement les leurs…Il est à noter que même si les personnes ne se connaissent pas entre elle, le jeu reste toujours possible et l’improvisation favorise parfois des coïncidences étonnantes et significatives (voir Jung et sa fameuse synchronicité). Le jeu consistant donc, à se choisir une qualité parmi celles proposées, voilà que des personnes déprimées doivent vivre cet instant, tout à fait incongru pour elles : « Bon je choisis celle-là, mais c’est bien parce qu’il le faut », « oui mais ça c’était avant », je prends celle-là parce que c’est ce que je ne suis pas et que je voudrais être ». Peu importe les explications ou les justifications, le choix est toujours fait, entrainé.e par la dimension ludique, porté.e par le groupe. 

Ayant fait le choix de jouer avec les personnes en soins, j’explorais aussi ce moment, assez satisfaisant sur un plan narcissique et dont j’avais décidé de ne pas me priver, même si les thérapeutes devraient demeurer le plus neutres possible. Après tout, n’étant pas psychanalyste et invisible sur un fauteuil derrière un divan, j’avais décidé de me permettre ce petit moment de plaisir également…Les découvertes de ce que les personnes pouvaient projeter sur l’(ergo)thérapeute étaient toujours lourdes de sens. (Positif bien sûr, cartes obligent). Être médium malléable en tant que thérapeute, peut aussi avoir des avantages après tout…(Voir Roussillon

Certaines personnes, bien ancrées dans leur narcissisme personnel, pouvait, parfois, avoir du mal à faire un choix entre plusieurs qualités qu’ils se reconnaissaient, ce qui déclenchait inévitablement des rires autour de leur « modestie » ainsi mise en exergue. D’autres indiquaient plutôt la qualité qu’ils auraient souhaité mais ne pouvait pas, selon eux vivre pleinement. « Mais quand même, peut-être que ça me ressemble un peu… » pouvaient-ils dire, surtout quand d’autres membres du groupe, encouragé.e.s par l’esprit du jeu, soutenaient l’existence de qualités visibles ou potentielles chez cette personne. Plus faciles de voir les qualités des autres ? 


La carte ressource
Lorsque que chaque personne du groupe avait construit son totem, je leur proposais alors, de faire une photocopie de leurs deux cartes et de leur donner ainsi un souvenir de ce temps groupal, sous la forme d’une carte recto-verso, (animal d’un côté et qualité de l’autre), plastifiée et ainsi protégée. Quasiment toutes les personnes demandaient leurs cartes et gardait ce témoignage d’un temps passé à s’interroger sur soi-même, à développer des habiletés, des capacités ou des compétences de connaissance de soi.
 
Ce temps venait s’inscrire comme une sorte de préparation, d’entrainement à parler de soi sans danger, à introspecter de façon concrète à partir d’un objet extérieur, créé ou non, qui permettait ensuite de pouvoir parler de soi même dans des domaines plus intimes, sources de souffrance ou de conflits intra-psychiques, dans une psychothérapie individuelle. En tant qu’ergothérapeute, c’est presque proposer une « rééducation » de la capacité à symboliser, à donner du sens à son être, son histoire et à ses choix de projet de vie. 

Enfin, je finirais sur une petite histoire. Un jour, un patient, qui avait choisi l’« aigle » car il volait au-dessus de tous les autres animaux et le mot de « clairvoyant », car il se considérait comme tel, n’avait pas voulu sa carte. Il avait clairement les compétences de parler de lui, de comprendre la métaphore et le sens de ce qui se disait. Il n’était jamais revenu en jeu. En le croisant dans le couloir ensuite, dans une sorte de tentative d’alliance humoristique, je lui avais dit : « Hugh, aigle clairvoyant », avant de bien réfléchir à ce que je faisais. Au vu du regard noir qu’il m’avait jeté et lorsque j’ai su qu’il était paranoïaque, j’ai compris que je devrais lire le livre de Roustang (un hypnotiseur…) « comment faire rire un paranoïaque », car clairement, j’avais dû louper quelque chose.
Et l’humour n’est pas toujours si anodin que cela…



Un article  datant du 28 octobre 2025, 
 écrit en réponse à un lecteur intéressé par Totem 
et qui voulait en parler sur une radio...
Ergopsy - 2015
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