Lorsque nous tentons d'établir des objectifs thérapeutiques, trois "protagonistes" sont à prendre en compte. Le patient, l'institution et l'ergothérapeute. Mais comment les projets respectifs de tous ces protagonistes vont-il trouver à ½uvrer ensemble?
Comment aider une personne à définir son projet de vie? Comment pouvons nous prendre en compte et respecter le projet du patient, lorsqu'il est parfois inconnu de la personne elle-même, ou bien encore totalement délirant?
Comment se définissent des objectifs en équipe, avec une ligne conductrice, un état d'esprit, une orientation raisonnablement cohérente?
Projet de vie des patients
Le premier élément dont nous devons tenir compte est l'évolution du modèle social de soin. Celui qui s'affirme de plus en plus est le modèle bio-psycho social, proposant de prendre en compte toutes les facettes de la personne (biologique, psychique et social). La vision globale de la conception du soin évolue de plus en plus vers une vision holistique du patient, intégrant ses facettes psychiques (psycho-affectives et cognitive), biologiques et sociales, considérant la personne comme un interlocuteur et non plus un objet de soin. Nous sommes donc, comme tous les thérapeutes, intégrés dans ce nouveau courant. (Voir paradigmes et philosophie du soin). Actuellement nous voyons donc fleurir des thérapies de plus en plus centrées sur le patient, l'être, la personne, avec ses ressources et non plus simplement sa ou ses pathologies. Les "somaticiens" eux-mêmes, semblent découvrir, à travers la notion d'éducation thérapeutique, la nécessite de faire alliance avec le patient, de le considérer comme un expert de sa maladie, de s'appuyer sur des patients ressources, quasi co-thérapeutes. Quelles que soient les motivations de ce type d'évolution (qui semblent parfois un peu trop économiques, comme par exemple le souci de l'amélioration de l'observance thérapeutique, mais qui peuvent être aussi teintées d'un souci presque politique et démocratique), le patient semble revenir au c½ur des thérapies. La notion de projet de vie du patient (loi du 11 février 2005), vient marquer une prise de distance par rapport au classique projet thérapeutique. Cette notion de projet de vie est donc devenue le leitmotiv des thérapies. Mais qu'en est-il vraiment quand le patient n'a pas la possibilité de nommer son projet de vie, quand il ne souhaite pas entrer dans cette démarche, quand il souhaite rester en position passive ou à l’hôpital?
Le patient, le plus souvent, manifeste, du moins en apparence, un désir de guérir, de façon parfois quasiment magique, et ce désir devient le plus souvent une demande adressée aux thérapeutes, c’est à dire que le ou la patiente se situe comme objet passif, objet de soins. C’est comme s’il se proposait, pour certains ou certaines, comme un "lieu" où pourrait se dérouler une lutte entre la maladie, vécue comme un élément venu du dehors, et un ou une thérapeute, venu(e) du dehors aussi. Ce désir est souvent sous-tendu de l'attente de revenir à un état antérieur ou d'être débarrassés de ce qu'ils pensent être une maladie, presque extérieure à eux. Cette attente souligne que les patients ne vivent pas ce qui leur arrive comme une occasion d'évolution, du moins pour les personnes dépressives, état-limites ou souffrant de TCA ou d'addictions. Les vécus des personnes psychotiques n'entrent pas, bien sûr, dans cette catégorie de symptômes pouvant donner lieu à un changement psychique, au sens d'une conscience de soi plus introspective.
Il est donc important pour nous, et pour la personne, de distinguer demande, besoin et désir:
- Le besoin est plutôt du coté de la pulsion. Il demande, généralement, à être satisfait le plus rapidement possible.
- La demande de la personne est, souvent, de combler ses besoins à court terme.
- Le désir est ce qui demande à être entendu, reconnu comme vérité intérieure du sujet, qui peut se différer, s’exprimer sous différents modes. C'est ce désir qui peut donner ou re-donner sens à la vie de la personne. Or cette notion de désir présente souvent la difficulté , car il avance "masqué", qu'il n'est pas toujours si clair que cela pour la personne elle-même et qu'un désir apparent peut en cacher un autre, refoulé, déguisé, inconnu.
Il ne faut jamais perdre de vue non plus, les résistances psychiques au changement des patients, qui peuvent être liées à des fausses croyances, à des distorsions cognitives, ou à des mises en échec inconscientes d’eux-mêmes et des thérapeutes. Il est à noter que les objectifs du patient et les nôtres sont rarement les mêmes. Si nos objectifs/intentions sont trop précis ou trop insistants, les personnes peuvent alors, développer des résistances allant à l’encontre d'une évolution possible. Il est important de tenter de se centrer, sur les objectifs du patient ou de la patiente, sur son projet de vie qui doit être le c½ur de la thérapie. Il sera toutefois parfois difficile à la personne de préciser ce projet de vie et l'un de nos objectifs peut-être justement d'aider la personne à mieux définir, nommer, et déployer son projet de vie. Il est également fondamental de se demander si nous sommes vraiment prêts et prêtes à accompagner le patient dans son projet de vie, en le respectant, même s'il n'entre pas dans des "tiroirs" pré-fabriqués à l'avance. (Je donne l'exemple d'une personne dont le médecin ne voulait pas qu'elle sorte tant qu'elle n'avait pas un frigidaire alors qu'elle n'en avait jamais eu...)
Il est donc important d'aider les patients à pouvoir nommer, connaitre, définir leur projet de vie. Ce projet est un projet à long terme, comme un horizon à atteindre, qu'il ne fait pas confondre avec les objectifs de thérapie, nécessitant eux, d'être plus modestes. Nous pouvons parler d’objectifs intermédiaires, d'objectifs thérapeutiques plus ciblés, permettant au patient de poser les petites pierres d'un changement progressif, pour qu'il puisse s'orienter vers ce projet de vie qui est, lui, plus ambitieux et sur lequel nous n'avons rien à dire. Ces objectifs intermédiaires, thérapeutiques doivent être négociés avec le patient. C'est à partir de ces objectifs négociés que chaque thérapeute pourra alors proposer une palette d'outils thérapeutiques, cohérents avec le projet du patient et les orientations thérapeutiques du service.(voir intentions, objectifs et processus)
En thérapies brèves, les thérapeutes tentent d'aider les patients à définir le PPOP: plus petit objectif possible. En effet, un "grand" objectif du type "guérir" (de préférence sans changer, par miracle extérieur et médicamenteux, rapidement) ou de type "être comme avant" (sans remise en question ou interrogation sur ce qui se passe et peut avoir du sens), ne permet pas un travail thérapeutique car cet immense objectif reste souvent trop vaste, trop subjectif, trop vague. Si l'on veut travailler en termes d'objectifs, il faut au moins se mettre d'accord sur quelque chose de faisable, donnant ainsi le sentiment mutuel que quelque chose avance quand même quelque part.
Il convient aussi de tenir compte du fait que le projet de vie d'une personne peut être évolutif.
Objectifs institutionnels
Plus que d'objectifs institutionnels, nous pourrions parler d'orientations thérapeutiques du service qui vont déterminer des principes thérapeutiques, en principe communs. Il est important de connaître ces grandes intentions et principes thérapeutiques, valables pour tous les thérapeutes et sur lesquels nous allons baser notre thérapie. Dans l'idéal, une orientation "raisonnablement" collective devrait permettre d'entrer dans une dynamique collective cohérente. Il ne s'agit pas d'être dans une pensée unique, mais de pouvoir échanger sur nos pratiques lors de réunions institutionnelles (réflexion et analyse de pratiques) où les positionnements de chacun peuvent être décrites et débattues. Les rôles et compétences gagnent donc à être le plus clairement clairement définis, mais nous connaissons tous les glissements de taches et de compétences, en fonction des habitudes de travail institutionnel.
Lorsqu’une personne est hospitalisée à sa demande ou non, c’est avant tout parce que des symptômes gênants et invalidants pour elle ou pour autrui sont apparus. La première demande est donc d’enrayer, de faire disparaître ces symptômes. Les médicaments, l’éloignement du milieu quotidien et de ce qui peut pérenniser le symptôme, le cadre de l’hôpital, la durée de l’hospitalisation sont autant de facteurs d’action sur cette dimensions du symptôme. Suivant l’âge et la pathologie, cette action sera suffisante, fondamentale, insuffisante, inefficace, etc…Cette demande des patients d'être débarrassés de leurs symptômes semble à priori, légitime, mais dans le domaine de la psy, en dehors des pathologies psychiatriques avérées (psychoses, troubles de l'humeur de type mélancolique) le traitement n'est pas uniquement à visée symptomatique.
En "psy", nous sommes souvent porteurs de références issues des modèles proposés par la psychiatrie ou la psychologie. (voir modèles conceptuels interprofessionnels). Nous pouvons regarder nos pratiques thérapeutiques sous l'angle de l'orientation globale de thérapie qui est pratiquée dans l'institution où nous travaillons. En effet, un service dont l'orientation est l'utilisation de la psychothérapie institutionnelle, des TTC ou encore porteuse d'un projet en réhabilitation psycho-sociale ou en éducation thérapeutique, n'entrera pas dans les mêmes logiques de soins. De même, travailler dans un milieu intra-hospitalier proposant du soin psychique, dans une institution proposant des hospitalisation de jour où de projets de réhabilitation ou d'autonomie, n'engageront pas les mêmes types d'objectifs institutionnels.
- Psychothérapie: le travail dans ce type de service, souvent en intra-hospitalier, mais aussi en CMP ou en CATTP, propose un travail orienté vers le changement psychique, par des psychothérapies individuelles (psychologues, psychiatres) groupales et médiatisées (ergothérapeutes, musicothérapeutes, art-thérapeutes, infirmiers). Ce dispositif nécessite des réunions de synthèse pour une mise en commun des informations et une analyse commune de la situation thérapeutique. Idéalement, des supervision personnelles ou groupales devraient être pratiquées. La notion de psychothérapie institutionnelle s’articule autour du patient et de sa psychothérapie, réalisée avec son psychothérapeute (psychiatre, psychologue). Le changement psychique permettra alors à la personne de retrouver un mieux-être, un équilibre dans sa vie grâce à une modification psychique. (voir contexte de la psychothérapie)
- Réhabilitation: ce type de travail est centré sur le projet territorial de santé mentale pour les personnes souffrant de troubles psychiques graves et s’inscrivant dans la durée, en situation ou à risque de handicap psychique, en vue de leur rétablissement et de leur inclusion sociale. Le rétablissement ne fait pas référence à une guérison clinique ou à une disparition des symptômes mais à une possibilité de redonner un sens à sa vie à travers des activités et un mode de vie satisfaisant pour la personne.Dans le domaine de la réhabilitation psycho-sociale, nous aurons comme objectif pour toute l'équipe, un retour à l'autonomie et/ou à l'indépendance, favoriser et soutenir la possibilité d'une inclusion sociale, d'une reprise professionnelle, d'un engagement dans une vie sociale plus riche et pleine de sens. Ce type de travail peut s'effectuer depuis l'intra-hospitalier, souvent plutôt en HDJ, ou depuis un CMP, CATTP ou centre de réhabilitation.(voir contexte de réhabilitation psycho-sociale)
Les écrits de ce site sont la propriété intellectuelle de sa créatrice et n'engagent qu'elle.
Il est possible d'utiliser tout ou partie des élaborations proposées, en citant vos sources.
Merci d'avance d'en respecter l'esprit.
|
|